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Assemblée législative de transition : Dr Arouna Louré, « le révolté »

mardi 23 août 2022, par Jacques

« La jeunesse veut l’espace, la vieillesse le temps », disait Jean Nohain. Le Dr Arouna Louré, lui, veut « vivre selon ses principes et ses convictions ». Médecin anesthésiste-réanimateur, écrivain, il fait partie de ces députés qui ont de la répartie. Aussi bien sur des sujets politiques, sécuritaires et sanitaires. Portrait d’un « révolté » en blouse blanche et écharpe.

C’est à Tiassalé en Côte d’Ivoire que Arouna Louré pousse ses premiers cris, un 21 novembre 1985. À l’âge de 12 ans, il rentre au Burkina Faso. Au lycée Naaba Bongo de Manga, il décroche le baccalauréat série D, session de 2005, avec une moyenne de 15/20. Major de la région du Centre-Sud, Arouna Louré dépose ses valises en Algérie à la faculté de médecine Mentouri de Constantine pour des études de médecine générale. Le 28 juillet 2013, il obtient son diplôme de docteur en médecine et intègre la fonction publique la même année au mois de décembre. A l’époque, il est médecin généraliste à la polyclinique internationale puis au centre médical avec antenne chirurgicale de Houndé.

De généraliste à spécialiste

Dr Arouna Louré est très actif sur les réseaux sociaux et s’exprime régulièrement sur les questions de santé

En décembre 2014, alors que le Burkina Faso traverse la première transition politique de son histoire, après la chute de Blaise Compaoré fin octobre, Arouna Louré décide de décrocher un autre parchemin. Il retourne sur les bancs en quête du diplôme d’études spécialisées en anesthésie-réanimation. Il fera ses armes jusqu’en octobre 2016 dans trois centres hospitaliers universitaires (Yalgado Ouédraogo, Pédiatrie Charles de Gaulle et Souro Sanou de Bobo-Dioulasso) avant de s’envoler pour la Tunisie où il effectue son stage d’anesthésie-réanimation à l’hôpital militaire de Tunis de novembre 2016 à octobre 2017.

De retour au bercail, il renfile la blouse au CHU Yalgado et au CHR du Centre hospitalier régional de Koudougou de novembre 2017 à décembre 2018. A cette date, et après une « initiation » de quatre ans, il obtient le parchemin de médecin spécialiste en anesthésie-réanimation à l’université Joseph Ki-Zerbo.

Premier essai avant le saut politique

Notons que plus tôt avant l’obtention de ce précieux sésame, Arouna Louré s’essaie à l’écriture. Il sort son tout premier livre, le 15 octobre 2018, date marquant le 31e anniversaire de la mort du capitaine Thomas Sankara. Dans cet essai politique intitulé « Burkindi : pour une révolution nouvelle », il invite la jeunesse à « s’engager avec discernement, conviction et détermination dans le combat politique ».

Prises de position sur la gouvernance sanitaire

Sur Facebook, Dr Arouna Louré ne passe pas inaperçu de par ses prises de position sur l’actualité. Il est incisif sur des questions liées à la gouvernance sanitaire. Tenez ! En 2018, dans un message adressé au ministre de la santé, Pr Nicolas Méda, il suggère la fermeture du CHU-Yalgado Ouédraogo. Selon le jeune médecin, cet hôpital ne respecte pas les normes tant au niveau des infrastructures qu’au niveau du fonctionnement. « Si nous fermons simplement cet hôpital puis nous réaffectons son personnel dans les différents centres de santé de Ouagadougou et des CHR environnants, sans oublier d’ouvrir certains services qui manquent au niveau de l’hôpital de district de Bogodogo, nous gagnerons en terme d’efficacité et de résultat », avait-il écrit.

Arouna, le « révolté »

Dr Arouna Louré, après la fin de la première session ordinaire de l’assemblée législative de transition qui avait débuté le 4 mai 2022

Indigné par la gouvernance du président Roch Kaboré, Arouna Louré lance avec d’autres camarades le mouvement citoyen « Les révoltés ». Il en est le porte-parole. Le 20 janvier 2022, l’avant-veille d’une marche des OSC pour dénoncer les sanctions prises par les pays de la CEDEAO contre le Mali, il est convoqué par la Brigade Centrale de lutte contre la Cyber Criminalité (BLCC). Il lui est reproché d’administrer des groupes sur la plateforme Telegram où sont distillés des propos haineux. Chose, qu’il réfute.

Le régime du Mouvement du peuple pour le progrès vit ses derniers instants. Roch Kaboré est renversé par un coup d’Etat le 24 janvier. Arouna Louré et ses compagnons saluent l’action des militaires. « Après cette victoire d’étape, notre devoir est de bâtir un Etat burkinabè fort au service du peuple. Un Burkina Faso où l’intégrité, le patriotisme, le travail et la solidarité sont les leitmotivs du peuple, mais surtout de classe dirigeante », lance le Dr Louré au cours d’une conférence organisée le 28 janvier par son mouvement en collaboration avec la Coalition des patriotes africains au Burkina Faso (COPA-BF).

Une opportunité pour influencer les décisions

Conscient que « la seule manière de faire bouger les choses, c’est d’être sur le terrain de la politique, et dans les cercles de décisions », Dr Arouna Louré saisit l’occasion et rejoint l’Assemblée législative de transition, pour le compte des OSC. La composition des membres de l’institution amène certains observateurs à la qualifier de caisse de résonance du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), tombeur du président Roch Kaboré. Pas d’amalgame pour le jeune médecin qui entend toujours vivre selon ses principes et ses convictions en mettant toujours le doigt là où ça fait mal. Dans une publication faite sur Facebook, il a indiqué que « Rien de tout qu’il a fait n’a été fait, ne serait-ce un seul instant, dans l’espoir d’un quelconque usufruit ».

« J’ai applaudi l’avènement du MPSR… »

« Je n’ai pas demandé la démission de Roch, car son remplaçant institutionnel n’aurait pu faire mieux, voire pire, et je n’ai non plus demandé un coup d’État, car cela reflète la lâcheté des civils qui sont incapables de s’assumer (...) Cependant, j’ai applaudi l’avènement du MPSR au pouvoir, car au vu de l’incapacité du régime passé, j’ai espéré comme beaucoup d’autres concitoyens à un changement de paradigme afin de refonder les institutions de notre pays dans ses fondamentaux. Nous avons fait cela parce que tout ce que notre peuple demande aujourd’hui, c’est la sécurité, la justice et l’équité sociales peu importe qui nous l’apporte », a-t-il écrit sur son compte le 13 juillet dernier.

« Une loi se vote pour la postérité »

L’anesthésiste Arouna Louré et le chirurgien Charlemagne Ouédraogo (ex-ministre de la Santé) sortis du bloc opératoire (Photo publiée le 27 octobre 2021)

Avant de siéger à l’assemblée, Arouna Louré n’était pas si étranger que ça au processus d’élaboration des lois. En effet, il a participé à l’élaboration de plusieurs d’entre elles. Il y a la loi 057-2017/ AN portant statut de la fonction publique hospitalière et le décret portant répertoire interministériel des métiers de l’Etat (RIME). Il a aussi participé à la relecture de la loi 028-2012/AN-portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’ordre national des médecins du Burkina Faso.

« Tant que nos hommes politiques ne comprendront pas qu’une loi se vote pour la postérité, nous continuerons à être victimes des textes sur mesure pour le bien être de quelques individus réactionnaires au détriment des masses. A analyser nos lois, l’on se rend compte qu’elles ont été taillées sur mesure pour une classe dirigeante qui ne pensait qu’à la manière la plus optimale de s’enrichir sur le dos du peuple et encourir le moins de pénalités possible », pense le jeune député.

Intransigeant sur le processus de réconciliation nationale

Après la prière de Tabaski, le 20 juillet 2021

Sur la question de la réconciliation nationale, Dr Arouna Louré fait partie de ceux-là qui croient que la Justice est un préalable. Lors d’une conférence de presse, son mouvement a d’ailleurs dénoncé la venue de l’ex-président Blaise Compaoré sur invitation du président Damiba malgré sa condamnation dans le dossier ‘’Thomas Sankara’’. « Les autorités burkinabè à la quête d’une solution miracle à la crise sécuritaire peuvent être tentées par des procédures fallacieuses, mais si tant est que Sieur Compaoré avait le sens et l’honneur d’un homme d’État, il aurait dû éviter de diviser davantage le peuple burkinabè et se comporter comme un patriote courageux qui s’assume », a écrit le député de la transition.

Dr Arouna Louré ne mâche pas les mots sur les plateaux télé et sur les réseaux sociaux. Selon lui, « le Burkina Faso n’appartient ni à un clan ni à un régime, encore moins à Damiba » et ce dernier « sera obligé de faire ce que son peuple veut, tant est que ce peuple sache ce qu’il veut de façon pratique et non théorique, encore moins dans la critique sans actions ».

Le risque d’une nouvelle transition ?

Le président du Faso Paul Henri Damiba lors de son message à la Nation le 1er avril 2022

Le rendez-vous donné par le chef de l’Etat, lors de son discours télévisé du 1er avril, pour dresser le bilan de sa gouvernance au bout de cinq mois, arrive à grands pas. Optimiste quoique la situation sécuritaire et la crise humanitaire ait empiré, Arouna Louré dit être cependant « pessimiste » quant à la question de la gouvernance politique de la nation. Lors de son passage à l’émission Surface de Vérité sur la chaine BF1, il a d’ailleurs déclaré que « si nous réglons la question sécuritaire sans régler la question de la mal gouvernance, dans trois ans, nous serons encore dans une nouvelle transition ».

Les militaires au pouvoir doivent donc revoir leur copie selon l’anesthésiste- réanimateur. Ce changement doit être tant au niveau de l’engagement que celui de la gestion du pouvoir d’Etat. Si rien n’est fait, il faudra penser à la mise en place d’une transition politique civile. « Il ne s’agit nullement de remplacer des militaires amateurs par des civils amateurs ou incompétents. Mais il s’agit de remuer ciel et terre afin de faire appel à tous les fils et filles de notre pays qui seront à mesure d’un désintéressement absolu afin de relever les défis qui s’imposent à notre patrie », argue-t-il.

HFB
Lefaso.net

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