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Discours sur la situation de la nation : Salifou Diallo recadre le premier ministre Paul Kaba Thiéba

mardi 18 avril 2017, par Pascal YE

Le premier ministre, Paul Kaba Thiéba, a présenté le discours sur la situation de la nation, le 14 avril 2017 face à la représentation nationale. Le chef du gouvernement a dépeint un tableau reluisant d’un « Burkina va de mieux en mieux ». Faux, ont rétorqué la plupart des députés de l’opposition, contestant au passage certains chiffres avancés. Il n’en fallait pas plus pour qu’il doute ouvertement du patriotisme de ces derniers, les traitant même d’ennemis. Pendant que les élus de la majorité et les membres du gouvernement applaudissaient à tout rompre, le président de l’Assemblée nationale, prend de la hauteur et recadre le premier ministre.

10h22mn-12h57mn. C’est le temps qu’a duré le discours du Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, sur l’état de la nation. Dans son allocution, le chef du gouvernement a présenté un Burkina qui va de mieux en mieux. Il a aussi annoncé plusieurs projets et programmes qui devraient permettre à notre pays de prendre son envol pour un développement véritable.

S’en est suivi les questions des honorables députés. Certains, à l’image de Rose Marie Romée de l’ADF-RDA, se demandent si le chef du gouvernement parle du même Burkina. Alfred Sanou du CDP d’emboucher la même trompette. « Monsieur le premier ministre, vous avez peint l’état de la nation en rose, malgré les cris de détresse des populations. Mon groupe tient à vous rappeler que, parlant de l’héritage, l’eau de Ziga 2, le barrage de Samandeni, la centrale solaire de Zagtouli, la disponibilité des médecins-gynécologues et cardiologues et j’en passe font partie de cet héritage », rappelle-t-il pour répondre à Paul Kaba Thiéba qui estime que les difficultés rencontrées par notre pays sont du fait du régime Compaoré, tout en s’appropriant les aspects positifs de ce même régime.

Discours du premier ministre : une négation de l’histoire du Burkina, selon l’opposition

Dans son allocution, Paul Kaba Théiba n’est pas souvent allé du dos de la cuillère pour accabler l’opposition politique qualifiant parfois ses membres d’ennemis. Et Blaise Sawadogo du CDP n’a pas manqué d’exprimer son indignation face à ce qu’il a appelé la négation de l’histoire politique du Burkina. « M le premier ministre, votre intervention me pose politiquement un problème. (…). Il s’agit d’une négation de l’histoire récente de notre pays et de l’histoire du MPP et de ses dirigeants que sont Roch Marc Christian Kabore, Simon Compaoré et Salifou Diallo. Je pense que vous n’avez pas intégré la dynamique historique qui vous a amené à être aujourd’hui en train de conduire la politique gouvernementale après la victoire du MPP et cela m’inquiète sérieusement. Cela m’inquiète d’autant plus que vous avez même parlé d’ennemis. S’il y a dans cette salle des ennemis, il y a une véritable difficulté », lance-t-il avant de poser ses questions.

Certains élus notamment Daouda Simboro de l’UPC ont également contesté certains chiffres avancés. D’autres doutent de la politique de développement choisie par le pouvoir Kaboré. Là, le Premier ministre s’emporte presque : « je mets quiconque au défi, qui se dit un tant soit peu patriote de ce pays, à remettre en cause le modèle de développement économique et social du Président Kaboré. Le PNDES est la voie la plus réaliste, la plus courageuse ». Il ne clarifie pas ses propos, encore moins s’excuser pour avoir traité l’opposition d’ennemi.

Salifou Diallo : « Si le premier ministre a dit ennemis, c’est un lapsus »

C’est finalement le patron de l’Assemblée nationale se met au-dessus de la mêlée pour recadrer le chef de l’exécutif, dans une synthèse de 31mn. Pendant que les élus de la majorité et les membres du gouvernement applaudissaient le chef du gouvernement, à tout rompre, Salifou Diallo tempère les débats. « Nous sommes des adversaires politiques. Si le premier ministre a dit ennemis, c’est un lapsus. Nous sommes tous des citoyens d’un même pays… », précise-t-il, avant de revenir sur le discours du Premier ministre. Il félicite d’abord l’exécutif pour les acquis engrangés en 2016. Et là, Salifou Diallo cite, entre autres : la préservation des fondamentaux de la démocratie, l’organisation des élections municipales, la mise en œuvre de la loi 081, l’option de s’orienter de plus en plus vers l’enseignement technique et professionnel…

Des comptes rendus en décalage avec les réalités du terrain ?

Puis, il rappelle au chef du gouvernement sur la nécessité de tenir compte des critiques de l’opposition. « Sur le plan économique, aujourd’hui, le seuil de pauvreté est de 46%. Personne ne nie cette situation. Donc, il ne faut pas balayer du revers de la main les critiques de l’opposition », conseille-t-il. Avant de préciser qu’ « aujourd’hui, les gens souffrent dans certaines parties du pays à cause du manque d’eau, de routes, d’écoles, de centres de santé… Monsieur le premier ministre, donnez des indications à vos services parce que les comptes rendus que vous recevez sont en décalage avec les réalités du terrain. Effectivement, il y a des attentes sur le terrain. Nous parlons parce que nous avons, ensemble, la volonté de réussir. Même l’opposition, quand vous parlez des chantiers, ils applaudissent aussi. Quand vous parliez du Sourou, c’est eux qui applaudissaient ».

Aussi, pour apaiser le front social, Salifou Diallo invite le gouvernement à engager un dialogue franc et sincère avec le monde du travail. Il ne manque pas de critiquer les fonds communs estimés à 34 milliards de francs CFA en 2016 dont 90% reviennent aux agents du ministère de l’économie et des finances. « Tout le monde participe aux recettes du pays. 34 milliards pour partager entre quelques agents, c’est trop. Nous participons tous à la formation du PIB. Il n’y a pas de raison qu’un agent du trésor ait trois à quatre fois ce que gagne un agent d’un autre ministère de même catégorie. Au ministère des finances, le fonds commun est devenu plus important que leur salaire initial, souvent trois à quatre fois », s’indigne le patron du parlement qui appelle à réglementer davantage cette question pour éviter les frustrations.

« Vous êtes sur le bon chemin, mais… »

Il invité également le premier ministre et son équipe à revoir le circuit de la dépense afin de permettre l’absorption des 1267 milliards de francs CFA inscrits dans le budget de l’Etat, gestion 2017, au titre des investissements. Car, rappelle-t-il, « au rythme des décaissements, je ne suis pas sûr qu’on puisse absorber la moitié tout simplement à cause des lourdeurs administratives. Les ministres sont soumis aux désidératas des contrôleurs financiers. C’est vrai qu’il faut contrôler, mais il faut revoir le circuit de la dépense. Aujourd’hui, les projets sont dans les pipelines, mais ce sont les lourdeurs administratives qui empêchent le déroulement normal de ces projets. Vous êtes sur le bon chemin, mais sur le chemin il y a des gravillons… ».

« L’hémicycle sera très étroit pour nous, si… »

Salifou Diallo n’a pas manqué de demander à Paul Kaba Thiéba et son équipe d’accélérer la mise en œuvre des projets et programmes du Plan national de développement économique et social (PNDES). A la conférence des partenaires du Burkina tenue à Paris, en décembre 2016, il a été annoncé des intentions de financement de 18 000 milliards de francs CFA. Les Burkinabè attendent beaucoup et le chef du parlement n’a pas manqué de mettre en garde le chef du gouvernement. « Vous avez fait un discours d’espérance et d’espoir… Si vous revenez l’année prochaine sans pouvoir nous dire où sont passé les 18 000 milliards, je crois que l’hémicycle sera très étroit pour nous », a-t-il lancé, sous des ovations des élus de l’opposition qui soutiennent que le vrai discours sur la situation de la nation a été livré par Salifou Diallo. Celui présenté par le Paul Kaba Théiba n’était pas le bon, a confié Daouda Simboro, le président du groupe parlementaire UPC

Moussa Diallo
Lefaso.net

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