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Conflits dans les Cascades : « Il semblerait qu’il y ait des politiciens dans un camp ou dans l’autre », député Lassina Ouattara

jeudi 4 juillet 2019, par Jacques

Le député Lassina Ouattara (MPP, Léraba) s’est confié à Lefaso.net sur les conflits récurrents dans les Cascades, à l’issue d’une mission qu’il a effectuée dans cette région pour œuvrer au retour de l’accalmie. C’était le mardi 2 juillet 2019. Interview.

Lefaso.net : La région des Cascades est en proie depuis un certain temps soit à des conflits liés à la chefferie, soit à des conflits liés au foncier. Pourquoi ces turbulences ?

Lassina Ouattara : C’est cette turbulence qui nous surprend et qui nous écœure. Avant ces derniers évènements, il y a eu une crise qui a occasionné la mort d’agents de police. Nous, les députés de la localité, sommes allés apporter notre contribution au retour de la paix. Malheureusement, il y a eu une autre crise à cause de la succession cantonale de Banfora. Deux prétendants au trône se sont affrontés, et il y a eu des morts.

C’est vraiment dommage qu’on en arrive là, pour des questions censées être réglées par la coutume et la tradition. C’est regrettable que les gens ne puissent pas s’asseoir, s’écouter et suivre la voie qui est indiquée en la matière. Nous avons rencontré les deux prétendants au trône qui ont souhaité le retour de la paix et nous espérons que c’est sincère.

Pour ce genre de situation, il y a des gardiens de la tradition vers lesquels il faut aller pour trouver une solution consensuelle. C’est dommage qu’à cause d’un litige foncier vieux d’une trentaine d’années, des gens aient voulu se faire justice. Malheureusement encore, on déplore des morts. Il y a véritablement une turbulence dans les Cascades et j’en appelle à la sagesse des anciens qui connaissent mieux le fonctionnement de la tradition. Également, nous sommes dans un État de droit ; il convient de régler les litiges auprès des autorités compétentes.

Vous avez mené une mission de bons offices entre les protagonistes. Qu’est-ce qui sous-tend votre démarche ?

Il n’y a pas de sous-entendu. Nous sommes dans notre mission d’élus de la nation. Avec les honorables [députés] Bissiri Sirima et Ladji Coulibaly, sauf Charles Ouattara qui était en mission au Bénin, nous sommes allés pour apporter notre contribution à l’édification de la paix. Nous sommes des députés de différents partis, mais nous sommes allés ensemble pour assurer l’accalmie chez nous. C’était une démarche purement citoyenne.

Les objectifs escomptés ont-ils été atteints ?

Nous pensons que l’objectif que la mission s’était assignée, c’est-à-dire pouvoir écouter chacune des parties et se faire entendre, a été atteint. Chacun a été écouté, même si chacun pense qu’il est sur le droit chemin. On leur a dit qu’ils étaient allés trop loin, jusqu’à prendre les armes. Avec le gouverneur, l’évêque de Banfora, nous leur avons fait des propositions, afin qu’ils enterrent la hache de guerre.

La voie judiciaire ne semble-t-elle pas aussi opportune ?

La voie judiciaire est l’ultime recours. Mais en ce qui concerne la chefferie qui est une question de famille, il faut la conciliation. En plus de cela, la justice n’est pas assez éclairée et peut ne pas maîtriser tous les contours, sauf dans la mesure où elle se tourne vers les gardiens de la tradition. Donnons-nous assez de temps, afin que les cœurs se calment, sinon les gens se regardent en chiens de faïence. Nous avons souhaité qu’ils suspendent toutes les activités qui concernent la chefferie de canton de Banfora, en attendant que les gens se calment.

Comment apaiser définitivement les cœurs afin que de pareilles situations ne se reproduisent plus ?

Il y a des groupes de médiateurs sur place. Nous ne pensons pas que ces médiateurs soient récusés par les protagonistes. Ces médiateurs peuvent être étoffés. Par exemple, une commission ad hoc pourrait être mise en place pour rencontrer les deux protagonistes, afin qu’ils se parlent et se réconcilient.

Quels messages avez-vous à l’endroit des populations d’une part et des autorités régionales d’autre part ?

Une fois de plus, je pense que les gens doivent croire en la démocratie et aux mécanismes de l’État. Chacun doit jouer sa partition et rester strictement dans son rôle et à sa place. Quand vous avez une question foncière, on peut la porter au niveau de la justice. On n’a pas besoin de prendre des armes les uns contre les autres, cela ne règle pas le problème. Il faut que les gens évitent de se faire manipuler, de se faire justice parce que nous sommes tous des Burkinabè.

Ces conflits ont certainement occasionné des déplacés internes. Comment se fait la gestion de ces personnes ?

Pour les déplacés, le ministère en charge de cette question s’en occupe. Et à ces gens et à ceux qui ont perdu les leurs, nous leur exprimons notre compassion.

Très souvent, derrière ces conflits se trouvent des manœuvres politiques. Est-ce le constat que vous faites dans la région des Cascades ?

Dans la région des Cascades, par rapport à ce qu’on a entendu, ce n’est pas loin ; il semblerait qu’il y ait des politiciens qui sont dans un camp ou dans l’autre. Mais si c’est avéré, ces personnes doivent faire preuve de lucidité et s’abstenir d’envenimer la situation, parce que ce n’est pas bon. C’est quand il y a la paix et la quiétude qu’on fait la politique. Les politiciens doivent prendre position en faveur de la paix et de la cohésion sociale.

Comment amener les jeunes au changement de comportement ?

Les jeunes sont les vrais acteurs, parce que ce sont les plus actifs, et finalement, ce sont eux qui en font les frais. Ils se font facilement manipuler, ils sont au-devant de la scène dans les situations qui se terminent par des drames. Je pense que les jeunes doivent canaliser leurs énergies dans le sens de la paix et du développement.

Interview réalisée par Edouard K. Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net

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