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Député Yahaya Zoungrana : « Le CDP peut à nouveau diriger le pouvoir d’État »

dimanche 30 juin 2019, par Pascal YE

Très généreux en sourire, Yahaya Zoungrana a l’humour facile. Tapi dans l’ombre des arcanes du CDP jusqu’à l’insurrection de 2014, il a résisté à la tentation de se muer en caméléon politique. Homme de parole, il a battu campagne pour le compte du CDP aux échéances électorales de 2015, ce qui lui a ouvert les portes de l’Assemblée nationale pour la première fois. Cet électronicien chevronné a foi au retour triomphal du CDP au pouvoir.

« Le CDP peut à nouveau diriger le pouvoir d’État en tenant compte de l’histoire récente de notre pays ». Cette assertion est de Yahaya Zoungrana. À l’entendre parler, c’est comme si l’agitation, les frictions internes au sein du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ne lui causaient point d’amertume. Pourtant, le pincement de ses sourcils dénote d’un homme meurtri par les intrigues politiques. Même s’il ne pleure pas à chaudes larmes, il est sans conteste attristé par la tempête qui secoue son parti.

Aujourd’hui aux commandes du secrétariat chargé des élus nationaux du CDP, son optimisme est toujours celui de 1998, quand il faisait son entrée en tant que néophyte dans le parti. D’ailleurs, il affirme sans ambages : « Si je suis militant du CDP par conviction, je dois défendre le CDP ». Celui qui n’était qu’un homme de l’ombre avant l’insurrection de 2014 dit aujourd’hui qu’il s’accrochera, quoi qu’il arrive, au parti fondé par Blaise Compaoré.

Il a l’apparence d’un agneau fragile. D’ailleurs, lorsqu’on l’appelle, il s’arrête immédiatement et tend l’oreille pour écouter. Comportement naturel ou stratégie de séduction politique ? Alors que les divisions se constatent lors de l’adoption des lois à l’hémicycle, Yahaya Zongrana se considère comme « l’ami de tous les députés ». Et en bon Samaritain, il est celui-là qui distribue les rires. Un talent renforcé par sa façon humoristique de détendre l’atmosphère. Un tempérament qui remonte à son enfance, selon ses propos : « Depuis mon enfance, je ne me suis jamais bagarré avec quelqu’un ».

Retracer le parcours politique de cet entrepreneur électronicien devenu député, revient à analyser son admiration pour la révolution de Thomas Sankara. Une période qui a semé en lui l’envie de s’engager en politique pour défendre des causes nobles, alors qu’il séjournait au pays d’Houphouët-Boigny. Mais bien avant cette période révolutionnaire, son enfance avait forgé son leadership, puisqu’il avait toujours été parmi les meilleurs de sa classe. Né le 20 août 1957 à Sogpelcè, dans la province du Boulkiemdé, Yahaya Zoungrana entame son parcours scolaire à l’école Mission catholique de Koudougou en 1963. En 1969, après le CEP et l’entrée en 6e, il est inscrit au Lycée Philippe-Zinda-Kaboré, à Ouagadougou. En 1976, il décroche un baccalauréat série C, option mathématiques et sciences physiques.

Brillant élève, selon ses propos, il fut major de toute la Haute-Volta à l’époque. Vu ses compétences en mathématiques et en physiques, il est orienté à l’Institut de mathématiques et sciences physiques (IMSP) de l’université de Ouagadougou. C’est là que débute son leadership politique, auprès de ses camarades de l’époque. Il s’en souvient comme si c’était hier : « On discutait de la politique et des sciences ». Il reçoit une formation d’ingénieur des travaux publics jusqu’en 1978. Puis, il s’envole pour des études d’électronique à Caen, en France. Là, il obtient, après deux ans, sa maîtrise. Ambitieux, il s’inscrit à nouveau pour se former comme ingénieur électronique en juillet 1982. Puis, il rentre au Burkina Faso, mais il va passer plus de huit mois à chômer.

Découragé par le manque d’emploi, il rejoint la Côte d’Ivoire pour un emploi à la société des chemins de fer de l’époque (la Ran). Coup de chance, il sera embauché le 21 avril 1983 à la société Micros informatiques, puis à la Compagnie africaine d’informatique. Après ces deux structures, il travaille à Ivoire import Afrique et à CFAO. Lorsque la filiale de CFAO pour laquelle il travaillait s’est installée définitivement pour couvrir toute l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, il est propulsé à la direction. Il voyage à travers toute l’Afrique et découvre les potentialités du continent.

Le temps passe, et les révolutionnaires arrivent au pouvoir en 1983. Il vit la Révolution depuis l’extérieur, en sympathisant. Soupçonné de développer des idées révolutionnaires par les services de renseignement d’Houphouët-Boigny, il est traqué et interrogé sur ses liens avec Thomas Sankara. Très vite relâché, Yahaya Zoungrana pense toujours à rentrer au Faso.

En mars 1998, il revient au Burkina et fonde son entreprise « DATA 6 ». Il contribue à former des jeunes Burkinabè en informatique et en électronique. Cette même année, il s’engage en politique dans le CDP, en tant qu’opérateur économique. En 2012, il est élu conseiller municipal du Boulkiemdé. Mais son mandat sera écourté par la Transition. Lorsque Jérôme Zoma, l’ancien maire de Koudougou, est empêché par la « loi Chérif » de participer aux élections de 2015, Yahaya Zoungrana le remplace. Aux élections législatives de novembre 2015, le CDP obtient un siège dans le Boulkiemdé. Mais la tête de liste refuse de siéger et démissionne du parti. Yahaya Zoungrana est alors appelé à siéger au parlement.

Aujourd’hui, le député Zoungrana ne doute pas que le CDP a de nombreux militants à la base. Pour lui, le pouvoir de la Transition avait chassé les ténors pour mieux disperser le CDP à Ouagadougou, mais les provinces restent remplies de militants du CDP. En vrai militant, il soutient que le CDP est à même de bien diriger le pays, parce qu’il a tiré des leçons de son échec. Concernant les divisions actuelles au CDP, Yahaya a son explication : « Les difficultés peuvent servir de leçon (…) Le CDP est un grand parti, c’est normal de vivre ces divisions. Mais c’est une question de temps. L’unité va sonner ».

Pour ses pourfendeurs, Yahaya Zoungrana s’appuie sur le fait qu’il ne traîne pas de casseroles pour s’imposer dans le parti, depuis 2014. On le taxe « d’homme pressé et ambitieux ». Il est vu comme un suiviste et quelqu’un qui profite des situations de crise pour se frayer un chemin. Le fils du Boulkiemdé réplique en souriant : « Si j’avais la chance d’être à la tête du CDP, j’allais relever plusieurs défis ».

Il avoue donc son ambition de diriger le parti et de se présenter à la présidentielle. Lui, l’homme de consensus, pourrait ratisser large et faire revenir les barrons dispersés. Un aveu qui fait réfléchir ses proches au sein du CDP. « En a-t-il véritablement les moyens ? », se demande un mentor du parti. En sourdine, on le voyait venir, puisque le propre de Yahaya, dit-on, « c’est de jouer l’invisible et de faire surface en temps de crise (…) pour prendre place dans la cour des grands », avoue un membre du CDP.

Et un autre membre du parti de poursuivre : « Yahaya peut être rassembleur, parce qu’il est patient. Mais encore lui faudrait-il l’onction de Blaise Compaoré ou le désistement des vautours ». Pour le moment, Yahaya Zoungrana déclare que « le CDP n’est pas orphelin. Le CDP a un père-fondateur qui est Blaise Compaoré. Au moment venu, il va se prononcer par écrit et le choix [du candidat à la présidentielle de 2020] sera fait ». Yahaya Zoungrana dit n’être proche de personne, il est juste fidèle au CDP et à son idéologie.

Ce père de famille né musulman s’était d’abord converti au catholicisme. Par la suite, à cause des sciences exactes, il était devenu athée, avant d’embrasser de nouveau la religion musulmane. Alors que les échéances de 2020 approchent, Yahaya Zoungrana reste serein. Certes, il sait qu’il sera présenté comme candidat à la députation dans la province du Boulkiemdé, mais il dit rester attaché au choix de son parti.

Même s’il tend la main à la jeunesse, il regrette une chose : « Les jeunes sont pressés, mais lents à apprendre ». Tout comme les jeunes, l’engagement politique des femmes préoccupe Yahaya Zoungrana. Il est de ceux qui attendent toujours que les femmes prennent plus de responsabilité, sans attendre que les hommes leur cèdent la place.

Edouard K. Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net

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