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Député Ousseni Tamboura : « Des déplacés sont arrivés à Ouagadougou depuis plus d’un an »

mardi 25 juin 2019, par Jacques

Le député Ousseni Tamboura (MPP, Soum) s’est confié à Lefaso.net sur l’afflux des déplacés internes à Ouagadougou, en provenance de la région du Sahel. C’était il y a quelques jours. Interview.

Lefaso.net : Vous êtes originaire du Soum, une zone dont les populations fuient en direction de Ouagadougou. À quand remonte le phénomène, selon vous ?

Ousseni Tamboura : Ce n’est pas un problème récent, la question des déplacés internes. Il y a de cela deux ans que les déplacés se sont installés à Djibo. En ce qui concerne Ouagadougou, les déplacés sont arrivés depuis plus d’un an. Dans mon quartier, il y a des déplacés issus du Soum. Ils viennent de Baraboulé, Djibo, Nassoumbou, Tongomayel et Arbinda. Je n’ose pas dire que c’est un vieux problème, mais c’est un problème qui s’étale depuis deux ans.

Comment expliquez-vous cela ?

J’explique cela par les actes terroristes. Vous savez que les gens fuient l’insécurité. Non seulement ils fuient les terroristes, mais ils sont également victimes de menaces. Par exemple, il y a eu des prêches et des ultimatums qui ont été donnés à ces populations ; soit ils rallient les mouvements terroristes, soit ils quittent. Telles sont les premières explications.

Les derniers déplacés d’Arbinda sont la conséquence des conflits communautaires et de l’aggravation de la situation sécuritaire depuis Yirgou. Ce que nous disons, nous les députés, c’est de faire en sorte que des solutions concrètes soient trouvées par le gouvernement. Il ne s’agit pas d’avoir des aventures individuelles et des approches unilatérales, parce que ces problématiques dépassent les enjeux individuels. Il faut avoir une réponse globale, collégiale.

En tant que député, avez-vous l’impression que les déplacés pensent que rien n’est fait pour eux ?

C’est le sentiment de tout déplacé, puisque la raison qui fait que vous vous déplacez, c’est parce que vous n’arrivez pas à endiguer la menace. À partir de ce moment, votre sentiment et votre perception, c’est que manifestement, il y a une impuissance. C’est vrai, on ne peut pas nier ce fait. On se pose des questions : « Comment se fait-il que pendant tout ce temps, il y ait des forces de défense et de sécurité, et malgré cette présence, on a toujours des attaques terroristes spectaculaires ? » Souvent, on est témoin de l’envergure de ces attaques et on n’a pas toujours senti que les auteurs sont retrouvés, rattrapés et punis. Donc, il y a cette perception au niveau de la population.

Mais, il faut être en mesure d’expliquer que le phénomène du terrorisme est un phénomène assez insidieux. Il ne s’agit pas de troupes massées avec un drapeau et des uniformes qui déclarent la guerre au Burkina Faso. Ce sont des gens qui sont dans la population, qui ont des cellules qui travaillent à faire peur à la population jusqu’à la commission d’actes ignobles. Je partage parfaitement le sentiment des populations et personnellement, je pense qu’on n’est pas toujours à la hauteur de la réponse qu’il faut donner à ce phénomène.

Depuis trois ans, ça se dégrade. Je suppose que si l’État d’urgence a été décrété, c’est parce que la situation s’est dégradée. Les FDS ont fait des opérations à l’Est, au Sahel, et c’est tout à fait salutaire. Et cela veut dire qu’il faut continuer à mener ces opérations. Par exemple, on sait que ce ne sont pas des problèmes qui se règlent en six mois ou en un an, puisque nous avons les expériences des pays voisins tels le Nigeria et le Mali qui sont dans cette situation depuis une dizaine d’années. Face à cette situation, il y a une attitude de dignité et d’intelligence qu’il faut avoir pour surmonter ces difficultés.

En tant qu’élu national ayant touché du doigt les réalités de ces déplacés, avez-vous l’impression qu’ils veulent retourner chez eux ?

Si les conditions de retour sont réunies, ils retourneront. Depuis l’opération Doofu, il y a une certaine quiétude dans les villages. Mais on ne peut pas en faire l’étalage, parce qu’en le disant, on a comme l’impression qu’on donne des pistes aux terroristes. Il faut cesser de jouer au fanfaron, parce qu’on peut exposer la vie des gens. Il faut tout juste constater la réalité sur le terrain. Si les conditions sont réunies, les gens repartiront.

Avez-vous une idée du nombre de déplacés qui ont fui Djibo pour s’installer à Ouagadougou ?

Je ne peux pas vous donner de chiffre très exactement. Mais ces informations sont disponibles auprès du gouvernement, des services décentralisés et auprès des OSC. Je me souviens qu’à la suite de la fermeture des écoles à Djibo, on avait plus de 2 000 élèves. Sans toutefois vous donner le chiffre exact, je peux affirmer que ces déplacés sont des milliers.

Suite à la rencontre avec les déplacés installés dans l’arrondissement N°9, beaucoup pensent que le gouvernement n’a pas assez fait pour leur accueil. Avez-vous un commentaire ?

Le commentaire que je fais est tout simple. Je crois que le gouvernement sait et il faut lui laisser le temps d’agir avec ses structures telles que le CONASUR qui fait toujours le job. Il faut éviter de faire en sorte que pour les mêmes situations, il y ait des traitements différents. Comme le gouvernement a pris les mesures pour les premiers déplacés de Dori, il prendra des mesures pour le cas d’espèce.

Quelles peuvent être les conséquences de ces déplacements autant pour la population de Ouagadougou que pour les déplacés eux-mêmes ?

Les conséquences sont d’ordres traumatique et psychologique pour ces populations. Quand vous quittez chez vous, où vous avez vos champs, vos biens, et vous vivez dans une autre localité où vous n’avez personne, vous êtes dans l’angoisse.

Certains pensent que le gouvernement est dans une posture d’incapacité à maîtriser les terroristes. Qu’en pensez-vous ?

Il faut avoir une conception large du gouvernement. Il y a le gouvernement que nous connaissons, c’est-à-dire l’exécutif. Mais, cette question relève de toute la communauté, qui doit se lever. Nous avons des associations, des ONG et tout le peuple qui doivent intervenir dans une chaîne de solidarité pour les déplacés. Il faut agir pour l’ensemble des déplacés.

Vous qui êtes député issu de la région du Sahel, comment expliquez-vous qu’il y ait plus de femmes et d’enfants parmi les personnes déplacées ?

Je peux penser que les hommes sont retournés sur le site, je peux également penser qu’ils ont fait partir les femmes et les enfants avant. C’est un phénomène que je connais. Dans plusieurs déplacements, il y a des femmes qui sont venues avant les hommes, il y a également des familles qui sont arrivées en groupe.

Quelles peuvent être les conséquences de cette situation ?

De mon point de vue, le Burkina Faso est dans une situation de guerre dont les conséquences sont très visibles. Il n’y a pas lieu de se voiler la face. Les premières conséquences sont les pertes en vies humaines qui sont insupportables pour les consciences humaines. De toutes les guerres que le Burkina Faso a faites, je ne pense que le bilan a atteint ce phénomène du terrorisme. Les conséquences sont dramatiques. Il faut savoir qu’avec les FDS seules, le Burkina Faso ne peut pas venir à bout de ce phénomène et de ses conséquences ; chaque Burkinabè est interpellé à apporter une réponse sécuritaire, sociale et économique. Je lance un appel dans ce sens.

Interview réalisée par Edouard K. Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net

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