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Tibo Jean-Pierre Tapsoba, député MPP : « La chefferie coutumière a pour essence la politique »

mercredi 9 janvier 2019, par Jacques

Discret, souriant et peu bavard, Tibo Jean-Pierre Tapsoba est un homme politique et un chef coutumier. A 40 ans, celui qui a été intronisé en 2012 comme Neem Naaba Ritaam II fait partie des jeunes qui se sont frayé un passage dans l’hémicycle post-insurrectionnel burkinabè. Portrait d’un homme qui veut être « l’autre côté du cordon ombilical de la tradition africaine dans la politique moderne ».

« Avant l’arrivée des colons, nous, les chefs coutumiers et traditionnels, assumions les rôles politique, religieux, économique et judiciaire ». Cette assertion de Tibo Jean-Pierre Tapsoba ne laisse pas indifférent. Alors que son histoire politique est aussi récente que le dernier hivernage.

En effet, Tibo Jean-Pierre Tapsoba dont le nom de chef est Neem Naaba Ritaam II, fait partie de la génération des années 80. Et cette époque va tracer son histoire. Puisqu’il n’est autre que le premier garçon d’une famille nombreuse, dont le père est un chef coutumier dans le royaume de Ouagadougou. En 1992, alors qu’il a à peine 12 ans, il se rend compte qu’il est appelé à hériter du trône de son père comme le veut la tradition patriarcale.

Il s’en souvient encore : « Je suis parti vivre ailleurs comme le veut la tradition, puisque mes petits-frères pouvaient également prétendre à la succession ». Une vie hors du cercle familial qui va le préparer au sacerdoce royal. A l’époque, alors qu’il est encore élève, il va développer des valeurs morales propres à la culture africaine. Il se remémore : « Je devais développer le sens de l’écoute, le service et l’humilité ». Et ce sont ces valeurs propres aux chefs coutumiers et traditionnels africains qui vont rythmer sa vie.

Vers l’intronisation

Mais peut-on soustraire éternellement une autorité morale au vertige des idées nouvelles ? S’interroge le jeune Tibo. Après moult expériences, il réalise qu’en tant que prétendant au trône, il s’avérait pour lui utile d’acquérir des connaissances didactiques. Et là débute sa rigueur dans le cheminement scolaire. De l’école primaire en passant par l’Université de Ouagadougou, il développe la discipline dans le travail et l’esprit d’équipe au milieu de ses camarades. « C’est à l’école que j’ai appris que l’union fait la force dans le champ de la maîtresse », s’amuse-t-il.

Des valeurs cardinales qu’il va cultiver avec ses camarades au lycée Marien-N’Gouabi pour fonder une équipe musicale : « A3 ». A cet d’âge, il n’ambitionne guère la bataille politique. Lorsqu’il décroche le baccalauréat, il est orienté au département de Géographie à l’Université de Ouagadougou, en 2007. Mais sa passion pour le journalisme va le conduire à l’Institut des sciences et techniques de l’information et de la communication, entre 2008 et 2010.

Après sa formation, il est affecté comme journaliste de la Télévision nationale du Burkina, à Bobo-Dioulasso. Comme reporter, il noue des relations et développe son premier réseau de camaraderie qui va planter le décor de son futur engagement politique. Nous sommes en 2010. Malheureusement, en 2012, son père décède.

Là commence un tournant décisif de sa vie. Il succède à celui-ci et débute sa première assise dans le royaume de Mogho (Ouagadougou) comme ministre. A l’époque, la vie politique était animée par la majorité issue du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ex-parti au pouvoir. Pour couronner ses études, il se fait former en Ressources humaines et s’octroie de passage un master.

« Les aînés m’ont invité en politique, ils m’ont fait confiance »

Parmi les tribus patriarcales, les merveilles du sacre, ce sont la discipline et la disponibilité. Comme tout autre individu arrivé à cette position, Tibo ne sera pas singulier. Dans le sanctuaire de la cour royale du Mogho Naaba, il a sa place comme ministre. Mais aussi, il a obligation de discipline et de disponibilité. Son jeune âge fait de lui un « benjamin » au milieu des autres chefs religieux. Ce qui lui vaut d’être choisi comme « chargé des relations avec les chefs coutumiers des autres villages de Ouagadougou ».

Tout comme ses aînés, il est engagé dans le parti de l’ancien président Blaise Compaoré, le CDP. Là, il côtoie le Larlé Naaba Tigré qu’il nomme affectueusement « papa » ; l’actuel maire de Ougadougou, Armand Pierre Beouindé ; la députée Elise FoniyamaThiombiano/Ilboudo, etc. Ensemble, ils fondent l’Association pour le développement durable et intégrale (ADDI).

Dès l’entame de la volonté de modification de l’article 37 de la Constitution par l’ancien Blaise Compaoré et ses partisans, Tibo Jean-Paul Tabsoba, tout comme les autres membres de l’association, rejette cette position. Cette décision lui crée des ennemis. D’ailleurs, il s’en souvient : « Ma vie était menacée. (…). Mais grâce aux hommes de justice comme le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, nous avons tenu parole ».

Au lendemain de la démission du Laarlé Naaba Tigré de l’Assemblée nationale, le Neemd Naaba Ritaam II se voit encourager à assumer plus de responsabilités au sein du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) naissant. Il gravit les échelons du MPP, en attendant la chute de Blaise Compaoré pour remporter, à 36 ans, sa première élection législative. En 2015, il devient un patron de ce parti au niveau de la province de Kadiogo. « Les aînés m’ont invité en politique. Ils m’ont fait confiance et j’ai assumé plus de responsabilité au sein du MPP au niveau de la province du Kadiogo », se rassure-t-il.

« Porteur des projets des jeunes »

Fin tacticien, il est habitué aux arcanes du pouvoir et aux luttes politiques depuis 2012. Pour réussir dans le monde politique burkinabè, il faut « porter des valeurs de paix et de sociabilité », dit-il. Aussi, « être capable de prendre des responsabilités », explique cet homme de combat qui, aujourd’hui, est le troisième personnage le plus important du secrétariat de l’Assemblée nationale.

« Nous voulons rendre le Burkina Faso plus juste, en adoptant les lois. Nous, les jeunes, nous sommes les représentants des jeunes insurgés. Nous devons leur rendre compte. En tant que chef coutumier et traditionnel, ma tâche est plus complexe. Je dois faire preuve de justice et de paix », confie-t-il.

Avec le poste de troisième secrétaire parlementaire de la 7e législature, il entend miser pour plus de cohésion sociale et pour « le pain pour tout le peuple ». Considéré comme un modéré dans le fief du MPP, il tient à son image d’autorité morale. Masquant son envie de bain de foule, il semble incarner la marque d’un homme de consensus. Il déteste de surcroit entrer en controverse avec les autres hommes politiques qu’il considère comme « des frères ». On lui reconnaît volontiers « la simplicité, l’ouverture et l’humilité ».

Pour ses détracteurs, Tibo Jean-Pierre Tapsoba, le Neemd Naaba Ritaam II, n’est rien d’autre que « l’homme du président de l’Assemblée nationale Alassane Bala Sakandé ». Mais lui, il rétorque avec le sourire : « C’est un camarade de lutte, un camarade du parti, un homme de justice depuis le CDP ».

Père de famille, le Neemd Naaba Ritaam II est issu d’une famille catholique mordue de politique. Toutefois, les réalités coutumières font office dans sa vie, du fait de son statut de chef coutumier et traditionnel. Voyant la politique comme « un ensemble autour d’une vision », l’héritier du trône des « Neemd Naaba », ne compte pas s’arrêter là. Pourfendu pour sa proximité avec le président du Faso, le Neemd Naaba ne commente point.

Tout compte fait, y aurait-il un interdit à « manger avec avec les anciens camarades de lutte ? ». Bien sûr, ne dit-on pas qu’il faut manger avec ceux qui gouvernent pour apprendre à gouverner ? Quoi qu’il en soit, « le président du Faso est un camarade de parti ; je n’ai aucun rapport particulier avec lui, sauf les rapports du parti », réplique-t-il.

Garant des valeurs traditionnelles telles que la justice, l’intégrité et la sociabilité, il croit pouvoir impacter l’histoire sociopolitique nationale, en tant que chef traditionnel et en tant que jeune politique. « Même si la politique vécue de l’intérieur est émaillée de difficultés, sa pratique ne doit pas se confondre à des déviances inutiles : C’est à nous de donner l’exemple », soutient-il.

Droit dans ses bottes, il dit n’éprouver aucun regret de « s’être engagé en politique ». C’est un homme fier de son accoutrement traditionnel avec un chapeau multicolore, symbole de sa royauté, qui murmure ironiquement : « La politique est dynamique ; tant qu’on nous fera confiance, nous la ferons ».

Cet homme au regard vif ne cache guère son envie de marquer son temps. Parti d’un poste de secrétaire général de la section provinciale du MPP du Kadiogo, ce jeune homme humble a su toucher les cœurs de bon nombre de ses camarades. Alors qu’il siège sous la bannière du même parti au parlement burkinabè, il compte s’engager davantage pour briguer un mandat de plus. Et pour cela, il saura encore compter sur sa jeunesse et sa charge sacerdotale des us et coutumes.

Edouard K. Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net

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